MESSE DE CLÔTURE
ADDIS ABEBA : 5 MARS 2023
IIème Dimanche de CAREME
Homélie à la Messe de clôture
Chers Frères et Sœurs,
Convoqués par le Seigneur, des diverses régions d’Afrique et des Iles, membres de l’Eglise-Famille de Dieu, nous rendons grâce à Dieu, Lui le Maître des temps et de circonstances qui nous a réunis durant quatre jours, en cette terre bénie de l’Ethiopie, en Assemblée synodale. C’est Lui, Dieu d’amour qui nous a permis de nous mettre à l’écoute de toutes les composantes de notre Eglise, et aussi de nos peuples, dans la diversité de leurs situations et de leurs conditions de vie. Ensemble, nous avons avant tout cherché à nous mettre à l’écoute du Seigneur pour recueillir ce que l’Esprit dit aux Eglises particulières en Afrique pour leur vie et aussi pour leur mission dans ce cher continent qui, par les potentialités dont il regorge est une bénédiction pour l’humanité.
Au cœur de cette marche synodale, le Seigneur nous rejoint par sa parole adressée à notre père dans la foi : Abraham.
« Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction ».
L’appel qui retentit dans la vie d’Abram est un appel à se mettre en route, à marcher vers une destination qui lui est inconnue, mais dont l’horizon est garanti par la promesse de Yahvé : « Je ferai de toi une grande nation », « tu deviendras une bénédiction ». En fait l’expérience de la foi d’Abraham n’est pas une marche vers l’inconnu, c’est une marche balisée par la parole de Celui qui l’a appelé à tout quitter, une marche dont le terme est la bénédiction, l’abondance des biens messianiques, l’amour incommensurable de ce Dieu qui se fera appelé comme le « Dieu d’Abraham ».
Le cheminement synodal que nous avons entamé, il y a deux ans, dans nos communautés chrétiennes à la base, dans nos paroisses, dans nos diocèses et à l’échelle de nos nations respectives est une marche que nous n’avons pas manqué d’expérimenter comme une marche orientée vers une bénédiction que Dieu veut accorder à notre Afrique qui, depuis Kampala en 1969, a compris que devenue désormais sa propre missionnaire, elle a le devoir de marcher ensemble. C’est du reste ce que l’Esprit du Seigneur a inspiré aux Pères fondateurs du SCEAM qui, entre autres modèles déjà disponibles de regroupement d’Eglises particulières, ont choisi d’être un Symposium, c’est-à-dire un lieu de synodalité et de convivialité. Cette intuition forte sera confirmée à la 1ère Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques en 1994 par le choix ecclésiologique fort d’Eglise-Famille de Dieu. L’horizon que Dieu donne à l’Eglise en Afrique est très clair : être Famille de Dieu. Mais, comme nous l’avons ressenti lors de la 2ème Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques, une Assemblé préparée par toutes nos communautés chrétiennes, cet horizon peut être comparé comme l’expérience du Mont Thabor qui a fait dire à Simon Pierre : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. ». Si le psalmiste nous fait chanter « qu’il est bon qu’il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis » (Ps 132), il nous faudra bien descendre du Mont Thabor où la Gloire du Christ Frère universel nous irradie et nous réchauffe le cœur, pour affronter des défis majeurs de notre continent : la triste réalité de la corruption et de la mauvaise gouvernance, le drame de divisions et de guerres fratricides, la tragédie du terrorisme tentaculaire qui paralysent de vastes contrées du continent et le pillage de nos ressources, la souffrance multiforme de nos populations et le drame du colonialisme économique que le Pape François a vivement dénoncé lors de son dernier voyage en République Démocratique du Congo. L’Eglise-Famille de Dieu est appelée à découvrir dans les visages souffrants des fils et filles de ce continent, le visage du Seigneur Lui-même et à devenir une Eglise vivante et dynamique qui croît dans la foi, se sanctifie, aime, souffre, espère en son Seigneur et s’engage à devenir servante de réconciliation, de justice et de paix.
A la suite de Africae Munus et du Document de Kampala, l’expérience synodale en cours nous fait percevoir aussi comme Eglise-Famille de Dieu en Afrique, comme une priorité notre engagement à sauver la famille africaine, et avec elle, à nous investir dans l’immense œuvre d’éducation et de culture à tous les niveaux pour construire pour les générations montantes une communauté de Ubuntu, communauté de fraternité et de solidarité.
Au cours de cette marche synodale, l’appel des jeunes, qui sont non seulement l’avenir mais déjà le présent de nos sociétés et de notre Eglise, a retenti très fort. Ils aspirent légitimement à prendre toute leur place dans la famille ecclésiale mais aussi dans l’œuvre commune à réaliser au profit de l’Eglise et de la société.
Dans l’Eglise notre Mère, la place des femmes n’est plus à conquérir ; elle est le cœur de la maisonnée comme le signe vivant de cette Eglise qui écoute, qui prend soin de ses enfants surtout les plus faibles.
En ce deuxième dimanche de notre marche synodale vers Pâques, l’expérience du Mont Thabor nous donne la force et le courage d’avancer dans la mission. Avec la force de Dieu, nous pourrons prendre notre part dans les souffrances liées à l’annonce de l’Évangile, comme St Paul y invite son disciple Timothée. « Car Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce ».
Notre célébration continentale du Synode sur la synodalité en terre éthiopienne restera pour nous un symbole : par ses racines bibliques et chrétiennes, par sa place dans le projet d’une union africaine. Ici en Ethiopie, nous Eglise Famille de Dieu en Afrique avons eu la joie de redécouvrir nos racines chrétiennes et, dans la communion et la participation de tous, de reprendre conscience de notre mission qui est de rassembler dans toute l’Afrique une seule et même famille pour Dieu, fortifiés que nous sommes par la promesse de Dieu à Abraham : « Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction ».
Que cette Eucharistie solennelle, après la belle liturgie vécue hier à la Cathédrale de la Nativité, soit pour nous sacrement d’unité et pain de la route pour la mission. Et que notre Sainte Mère, la Vierge Marie, elle qui a toujours espéré, nous garde inébranlable dans notre foi et ferme dans notre espérance. En ses mains nous déposons nos projets pastoraux et les fruits de cette Assemblée synodale continentale. Nous recommandons à son cœur de mère le rayonnement de l’Eglise Famille de Dieu en Afrique et implorons sa protection pour tout le continent africain, tandis que je vous donne du fond du cœur la bénédiction, au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit.
AMEN !
Mgr Fridolin Cardinal AMBONGO BESUNGU,
Archevêque Métropolitain de Kinshasa
Président du SCEAM