La commission diocésaine justice et paix du diocèse de Kikwit a organisé un atelier de réflexion sur la paix et la cohésion sociale dans la zone à conflits de Mobondo au centre caritas congo. Ledit atelier prendra deux jours du 17 au 18 mars 2025. Évêques des diocèses du grand Bandundu, de Kinshasa et Kisantu concernés par ce phénomène étaient invités à ces assises. Les notables et les acteurs de la société civile et quelques experts ont aussi pris part à cet atelier. Mgr Timothée Bodika, évêque de Kikwit a lancé officiellement les travaux. Ci-dessus son mot d’ouverture des travaux.
- Excellences messeigneurs les Evêques membres de la Province Ecclésiastique de Kinshasa,
- Excellence, Révérend pasteur Président National de l’ECC,
- Honorables Députés Nationaux et Provinciaux,
- Excellences Monsieur les Gouverneurs des Provinces,
- Messieurs les commandants des Régions Militaires,
- Monsieur le Bourgmestre de la Commune de Maluku,
- Monsieur l’Administrateur du Territoire de Kwamouth,
- Mesdames et messieurs représentants des organisations internationales ;
- Monsieur le Directeur Pays de Christian Aid,
- Messieurs les Abbés et Révérendes Sœurs Directeurs des CDJP,
- Messieurs les grands chefs coutumiers et Chefs de groupements,
- Mesdames et Messieurs,
- Distingués Invités à vos titres et qualités,
« Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur, et ma langue acclamera ta justice. » (Ps 50, 16). « Paix à vous » (Jn 20, 26).
- Ce m’est un honneur et une joie, au nom des autres Evêques de la Province ecclésiastique de Kinshasa et en mon nom personnel, de vous souhaiter une cordiale et fraternelle bienvenue dans ce beau cadre de Caritas Congo, que vous avez eu la délicatesse de choisir, pour venir tenir cet important atelier sur la paix et la cohésion sociale dans la zone du conflit MOBONDO : Provinces de Maindombe, Ville Province de Kinshasa, de Kwango, du Kwilu et du Kongo Central, initié et organisé par la Commission Justice et Paix du diocèse de Kikwit.
- Le Pape François que nous avons accueilli sur la terre de nos ancêtres en RD Congo qu’il qualifie lui-même de « … cette terre si belle, si vaste, si luxuriante… », comme un sage Africain nous a parlé « à travers une image qui symbolise bien la beauté lumineuse de cette terre : l’image du diamant. Chères femmes et chers hommes Congolais, votre pays est vraiment un diamant de la création; mais vous, vous tous, êtes infiniment plus précieux que toutes les choses bonnes qui sortent de ce sol fertile !... ».
- Par ailleurs, le Saint-Père a d’emblée relevé le paradoxe qui caractérise la République démocratique du Congo : « Dans votre pays, qui est comme un continent dans le grand continent africain, on a l’impression que la terre entière respire. Mais, si la géographie de ce poumon vert est riche et variée, l’histoire n’a pas été aussi généreuse. Tourmentée par la guerre, la République Démocratique du Congo continue de subir à l’intérieur de ses frontières des conflits et des migrations forcées, et à souffrir de terribles formes d’exploitation, indignes de l’homme et de la création. Ce pays immense et plein de vie, ce diaphragme de l’Afrique, frappé par la violence comme par un coup de poing dans l’estomac, semble depuis longtemps avoir perdu son souffle ».
- Notre Diocèse de Kikwit, à travers sa Commission Diocésaine Justice et Paix a l’insigne honneur d’organiser en ce lieu l’Atelier sur la paix et la cohésion sociale dans l’Espace Kinshasa et grand Bandundu.
A la rencontre avec les jeunes et les catéchistes le jeudi 2 février 2024 au Stade des Martyrs (Kinshasa) que j’ai introduite, le Pape François a utilisé une autre image : celle de la main. L’image de la main utilisée appelle à l’unité et à la cohésion nationale dans la justice et la vérité.
Au pouce, le doigt le plus proche du cœur, correspond la prière qui fait palpiter la vie. L'index. Avec lui, nous montrons quelque chose aux autres. Les autres, la communauté, c'est le deuxième ingrédient. Prière, communauté ; nous arrivons au Doigt central, qui s'élève au-dessus des autres comme pour nous rappeler une chose indispensable. C'est l'ingrédient fondamental pour un avenir à la hauteur de vos attentes. C'est l'honnêteté ! Nous sommes au quatrième doigt, l'annulaire. Mais, dans nos fragilités, dans les crises, quelle est la force qui nous fait avancer ? Le pardon. Parce que pardonner c’est savoir recommencer. Pardonner ne signifie pas oublier le passé, mais ne pas se résigner au fait qu’il se répètera. C’est changer le cours de l'histoire. C’est relever celui qui est tombé. C'est accepter l'idée que personne n'est parfait et que non seulement moi, mais tout le monde, a le droit de repartir.
Prière, communauté, honnêteté, pardon. Nous sommes au dernier doigt, le plus petit. Tu pourrais dire : je suis peu de chose et le bien que je peux faire n’est qu’une goutte dans la mer. Mais c'est précisément la petitesse, le fait de se faire petit, qui attire Dieu. Il y a un mot clé qui va dans ce sens : le service. Celui qui sert se fait petit ; comme une graine minuscule qui semble disparaître dans la terre mais qui, au contraire, porte du fruit. Moi, que puis-je faire pour les autres ? C’est-à-dire, comment puis-je servir l'Église, ma communauté, mon pays?
Dans le contexte africain un proverbe dit de cinq doigts de la main : « Tokende, wapi, koyiba, soko bakangi biso, ngai te »
- Il s’agit pour nous tous, ici présents, de réfléchir sur ce paradoxe qui caractérise la République démocratique du Congo et sur le vivre-ensemble en ce moment où la paix et la cohésion sociale se trouvent gravement perturbées, d’une part, à l’Est par la guerre de AFC/M23 soutenue par le Rwanda et autres groupes armés pays agresseur de notre RD CONGO et, d’autre part, à l’Ouest par les évènements tragiques entrainés par le phénomène MOBONDO.
- Cette idée est devenue la nôtre à partir de la descente sur terrain de son Eminence le cardinal Fridolin AMBONGO, Archevêque Métropolitain de Kinshasa et Président de la Province ecclésiastique de Kinshasa pour se rendre compte de ce qui se passait dans cette contrée.
C’est à partir de ce moment que nous avons senti la responsabilité de nous impliquer dans la recherche d’une solution pacifique et durable afin de reconstruire l’espace affecté par notre comportement d’indifférence, d’égoïsme et de recherche effrénée du lucre et par un narratif, une rhétorique de guerre qui entraine le carnage, les massacres, le viol et pillage.
- Alors d’où viennent les guerres qui causent des massacres, des carnages… ? Ecoutons la Lettre de saint Jacques Apôtre nous répondre : « D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre » (Jacques 4, 1-2).
- « Eloigne-toi du mal et fais le bien ; recherche la paix et poursuis-la » nous dit le Psalmiste (34, 14). Comme l’a écrit Mgr Muyengo, Evêque d’Uvira, dans sa lettre pastorale : « Dans n’importe quelle guerre, il existe une morale militaire et un droit naturel, fondés sur trois interdits fondamentaux, qu’on trouve chez tous les peuples et même dans la Bible :
- Ne pas tuer ; c’est le 5ecommandement : « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13). Mais, pire que tuer, c’est massacrer (« piel » en hébreux)
- Ne pas commettre d’adultère, c’est le 6ecommandement : « Tu ne commettras pas d’adultère » (Ex 20, 14 ; Dt 5, 17). Mais, pire que commettre l’adultère, c’est violer
- Ne pas voler ; c’est le 7ecommandement : « Tu ne voleras pas » (Ex 20, 15 ; Dt 5, 19). Mais, pire que voler, c’est piller.
Même dans nos traditions africaines et bien sûr dans celles de beaucoup d’autres peuples aussi, le soldat, le guerrier qui va au front s’interdisait de tuer l’innocent, de toucher à la femme ou à la fille et aux biens d’autrui, de peur de tomber sous le coup de la première balle. »
- A nous tous, le temps de guerre et des conflits est celui de prier pour la conversion des cœurs des hommes, surtout ceux de nos décideurs politiques, pour plus de paix qui commence dans le cœur de chacun. Nos recherches de paix doivent nous orienter plus dans cet appel à la conversion des cœurs pour la paix.
- Arrêtez la guerre et libérez définitivement la paix ! Engageons-nous pour toujours dans des processus de pardon et de réconciliation, dans la vérité et dans la justice ! comme disait Laurent Cardinal MONSENGWO PASINYA : « Que jamais personne n’ose prendre sur lui la grande responsabilité d’entrainer la RD Congo dans un cycle de guerres », de carnage, des massacres, des conflits ethniques à quelque échelle que ce soit.
- Le Pape François dit : « Dans la société, ce sont souvent les ténèbres de l’injustice et de la corruption qui obscurcissent la lumière du bien. Il y a des siècles, saint Augustin, né sur ce continent, se demandait déjà : « Si la justice n’est pas respectée, que sont les États, sinon des bandes de voleurs ? » (De civ. Dei, IV, 4). Dieu est du côté de ceux qui ont faim et soif de justice (cf. Mt5, 6). Il ne faut pas se lasser de promouvoir dans tous les domaines le droit et l’équité, en luttant contre l’impunité et la manipulation des lois et de l’information ».
- Dans ce sens, nous saluons et encourageons vivement les initiatives de paix, comme celle de la CENCO : « Pour un Pacte Social de Paix et du Bien vivre ensemble », devenir un phare lumineux, et non éteint, sur le chemin d’une paix durable. « Gloire à Dieuau plus haut des cieux !Et paix sur la terre aux hommes qu'il aime» (Lc 2, 14). L’on peut comprendre celles et ceux qui refusent absolument cette voie, mais quelle autre alternative nous offrent-ils face à l’incurie de notre armée et de notre diplomatie (qui a beaucoup travaillé et que nous devons remercier ici), ainsi que l’indifférence si pas l’hypocrisie de la Communauté internationale ?
- C’est à nous qu’il revient donc, en premier lieu, nous filles et fils de ce grand espace de trouver les voies et moyens pacifiques, en ce temps de conversion, ce temps qui précède « Pâques » de redonner l’espoir en nos populations meurtries depuis juin 2022.
- Je me réjouis de vous voir tous rassemblés ici au centre CARITAS CONGO que je remercie beaucoup et c’est pour moi l’occasion aussi de vous exprimer toute ma gratitude pour votre disponibilité et votre intérêt affichés à la thématique de présentes assises. « Voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut ! » (2 Co6, 2). Profitons de ce temps qui est un kairos, temps favorable
- Je remercie la Commission Diocésaine Justice et Paix de Kikwit et son directeur et tous les organisateurs de ce colloque. Je dis ma gratitude aux intervenants à cet atelier, qui par leurs conférenciers vont nous aider à comprendre la rhétorique et le narratif de ceux qui choisissent la guerre et les conflits. Mais aussi, vont orienter en posant des jalons, des repères nécessaires pour nos carrefours que je souhaite fructueux.
- Anticipativement, je m’en vais dire merci à CHRISTIAN Aid qui a soutenu financièrement le projet présenté par la Commission Diocésaine Justice et Paix, structure technique de mon Diocèse en matière de droits humains, Edification de la paix, de Gouvernance participative, d’Education civique et élection et inclusion.
- Enfin, nous saluons tous les participants qui ont voulu venir à Kinshasa pour nous faire part de leur expérience en matière de Justice, paix et réconciliation dans les Provinces de Maindombe, Ville Province de Kinshasa, de Kwango, du Kwilu et du Kongo Central, initié et organisé par la Commission Justice et Paix du diocèse de Kikwit.
- Nous formons les vœux les meilleurs d’un fructueux échange. Puisse l’Esprit nous guider par sa lumière dans les problèmes délicats et difficiles de la justice, de la paix dans la vérité.
- « Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur, et ma langue acclamera ta justice. » (Ps 50, 16).
Puisque Dieu nous a choisis, Comme Peuple de sa Paix, Comment voir un ennemi Dans quelque homme désormais. Pour lequel Jésus est mort ! Que Dieu rende vigilants Ceux qui chantent le Seigneur : Qu’ils ne soient en même temps Les complices du malheur Où leurs frères sont tenus ! « Hymne : Puisque Dieu nous a aimés D. Hameline- Fleurus ».
Ainsi dit, je déclare ouvert l’atelier sur la paix et la cohésion sociale dans la zone du conflit Mobondo.
Mgr Timothée BODIKA MANSIYAI, PSS
Evêque de Kikwit.
pour la cecos, Abbé Guy MASIETA