Mgr Utembi : « Enseigner la Parole est la grande tâche qui nous est dévolue »

Mgr Marcel Utembi Tapa, Archevêque de Kisangani et Président de la CENCO, a célébré l’eucharistie marquant l’ouverture de l’Assemblée Plénière extraordinaire de la CENCO qui se tient du samedi 4 au dimanche 5 février 2023 au Centre Caritas Congo, à Kinshasa. Ci-dessous, prière lire son homélie :

Lecture 1 : Mc  6, 30-34

Lecture 2 : He 13, 15-17.20-21

 

  1. La liturgie de ce jour nous propose deux textes du Nouveau Testament. La première lecture est tirée de l’épître aux Hébreux, et la deuxième est une séquence de l’Évangile selon le témoignage de saint Marc. Je m’attarderai beaucoup plus sur le texte de l’évangile, sans toutefois oublier de m’inspirer des réflexions du texte christologique de l’épître aux Hébreux pour éclairer mon propos.

 

  1. L’évangile parle de retour de mission des Apôtres. C’est le titre que les éditions bibliques donnent couramment à cette péricope et, évidemment, le contenu ne s’en écarte pas. En effet, l’activité missionnaire de Jésus ne s’était pas passée sans qu’il y ait des compagnons avec lui. Et contrairement aux trois autres évangélistes, Marc a l’intérêt de s’intéresser particulièrement à Jésus et à ses disciples. Dans Marc, les disciples sont constamment présentés à côté de Jésus, qui forme avec eux une communauté de vie fondée sur les valeurs du Royaume et non sur les fausses valeurs ayant cours dans le monde.

 

Quoique Dieu et Fils de Dieu, Jésus ne s’était pas agrippé à sa mission pour affronter tout seul la misère du monde et répondre aux attentes de ses auditeurs. Il n’avait pas voulu agir tout seul ni mener une existence à part sans le concours des autres. Au contraire, il s’était enjoint un groupe de collaborateurs, notamment les Douze qu’il avait institués pour être avec lui et pour les envoyer proclamer la Bonne Nouvelle  (cf. Mc 3, 14).

 

  1. Les Douze n’étaient pas des gens instruits, mais d’humbles pêcheurs qui ne répondaient pas aux critères habituels de choix par le monde. Ce sont eux que Jésus a choisis, et c’est en eux qu’il a placé sa confiance. Vivant en formation en sa compagnie, ils ont reçu, pendant un précieux temps, de sages enseignements avant d’être envoyés répandre l’Évangile à leur tour (cf. Ps 32, 8 ; Is 48, 17) : « Jésus parcourait les villages d’alentour (…). Il appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture» (Mc 3, 6-8).

 

  1. Les Apôtres ont fait l’expérience de la mission. A leur retour, ils se réunissent auprès de Jésus. Le groupe est de nouveau au complet, et c’est Jésus qui en constitue le socle, car c’est « auprès» de lui que la communauté retrouve son identité et sa dynamique. Les Apôtres ne sont pas partis auprès de lui pour se reposer après des moments de fatigue, mais pour lui rendre compte de ce qu’ils ont fait et enseigné. Ils mettent ainsi en valeur les résultats de la mission qui leur a été confiée. La mission compte plus que leur propre vie. En effet, comment ne peuvent-ils pas être étreints par l’amour du Christ ? « Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux» (2 Co 5, 14-15).  

 

Si les Apôtres n’ont cherché à se reposer de leur labeur, c’est Jésus qui approuve le travail qu’ils ont accompli puisque c’est lui qui leur propose de se reposer. Au terme des journées de labeur dans la vigne du Seigneur, le vrai repos ne peut pas venir des hommes mais de Dieu. Jésus invite ses amis « à l’écart dans un endroit désert », car la foule presse et les empêche de manger. Rien n’est étranger à Jésus. Il est témoin des épreuves que nous traversons dans la vie. Il sait combien il est parfois difficile et dangereux de tenir au milieu des vicissitudes de ce monde. Après tout, en signe de gratitude, il nous manifestera son amour, sa compassion, sa bienveillance : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu ». Il ne s’agit pas de prendre un long moment de repos, mais « un peu » seulement, un instant suffisant, selon lui, pour refaire nos forces et rentrer au travail. Pasteurs du troupeau, nous devons être vigilants pour ne pas rester longtemps loin de ceux qui nous sont confiés.

 

Jésus lui-même pourvoira aux moyens de notre déplacement pour nous rendre à un endroit désert, loin des tumultes et du brouhaha des gens. C’est là que, dans une attitude de confiance et d’intimité, nous pouvons entamer notre dialogue avec Dieu. Le désert est le lieu mythique de la rencontre d’Israël avec le Seigneur. Il rappelle au peuple les beaux souvenirs de sa tendre enfance, quand il vivait en communion parfaite avec Dieu, avec ses semblables et avec le cosmos. Tel est le sens du retrait, du retour en soi-même, d’une vie qui replonge ses racines en Dieu pour ressusciter à des dimensions nouvelles.

 

  1. Le départ vers un « endroit désert » n’a pourtant pas épargné les Apôtres des soucis de la foule. Ils ont pris la barque, mais la foule, qui est pourtant à pieds, arrivent avant eux. Le projet mis en place par Jésus au profit de ses disciples est sans suite. La distance voulue pour leur procurer le repos est supprimée. Ils ont cru s’être débarrassés de la foule, mais voilà, à peine qu’ils sont arrivés sur le lieu de repos, ils retrouvent la même foule, qui les a suivis et devancés. Les gens seront toujours là, ils nous chercheront, nous appellerons, ils déjoueront nos calculs et nos projets toutes les fois que nous chercherons à les éviter. Ils nous feront confiance, comme l’auteur de l’épître aux Hébreux le recommande à ses congénères : « Faites confiance à ceux qui vous dirigent et soyez-leur soumis ; en effet, ils sont là pour veiller sur vos âmes, ce dont ils auront à rendre compte» (He 13, 17).

 

  1. Si, sur le plan social rien ne marche, le peuple se tournera toujours vers nous, car il a besoin de la lumière de l’Évangile. C’est cette lumière qui nous guide et qui fait de nous une institution divine.

 

  1. En débarquant, Jésus a vu la foule. Elle était immense et donc, elle constituait un problème majeur à résoudre. Il ne l’a pas renvoyée, mais bien au contraire, il a eu pitié d’elle : « Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger». Et pour consoler cette grande foule en désarroi, Jésus la nourrit de sa Parole : « Il se mit à les enseigner longuement». Le texte ne nous parle pas des miracles comme cela apparaît le plus souvent à travers les évangiles, mais seulement d’enseignement. Il s’agit d’une heureuse annonce, d’un message qui impacte la vie de ses auditeurs et qui les élève vers les réalités éternelles. Enseigner la Parole est la grande tâche qui nous est dévolue. En tant que pasteurs, nous sommes des dépositaires du mystère du Christ et de l’annonce de l’Évangile. Nous sommes invités à catéchiser notre peuple et à lui montrer le chemin à suivre pour son salut (cf. Mt 28, 19).  

 

  1. Il convient en outre d’observer la manière dont Jésus procède pour enseigner la foule : « il se mit à les enseigner longuement». En effet, la notice temporelle entre en opposition avec la figure de repos du début du texte, définie comme objectif premier du déplacement de Jésus et ses Apôtres. Dans son lien avec la parole, Jésus met en valeur ses auditeurs. Il ne fait pas les choses à la va-vite mais se laisse porter par le souci de d’instruire et de former ces gens qui sont conduits par une immense soif spirituelle et par le désir de rencontrer Dieu. Telle est l’attitude que doit adopter tout prêtre, si du moins il sait qu’il est appelé à « devenir un grand prêtre miséricordieux et digne de foi pour les relations avec Dieu, afin d’enlever les péchés du peuple» (He 2, 17).

9. De ce fait, comme nous le recommande la première lecture, celle tirée de l’épître aux Hébreux, accomplissons notre tâche de pasteurs avec joie et amour, sans avoir à nous plaindre de quoi que ce soit (cf. He 13, 17). Que le Dieu de la paix, lui qui a fait remonter d’entre les morts, grâce au sang de l’Alliance éternelle, le berger des brebis, le Pasteur par excellence, notre Seigneur Jésus, que ce Dieu protège notre pays et nous donne la force d’accomplir sa volonté, et qu’il réalise en nous ce qui est agréable à ses yeux, par Jésus son Fils et notre Seigneur, à qui appartient la gloire pour les siècles des siècles. Amen (cf. He 13, 20-21).

 

Mgr Marcel UTEMBI TAPA

Archevêque de Kisangani

Président de la CENCO

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